dimanche 22 septembre 2019

Le portail de Kenilworth; une reconstruction ou une réinvention ?

Dans la petite ville de Kenilworth dans le Warwckshire, l'église dédiée à Saint-Nicolas conserve un beau portail de grès rouge dans le clocher ouest. C'est visiblement le seul élément roman subsistant de l'église à moins qu'il n'y ait été reconstitué.

En effet Kenilworth possède également un beau château en partie d'époque romane et les restes d'une abbaye dédiée à Sainte-Marie. Faute de temps je n'ai pu visiter ces deux monuments consacrant uniquement ma visite à l'église paroissiale.

Le portail offre une disposition assez originale avec ses trois voussures encadrées par une grande moulure en forme de boudin torsadé. A l'interieur de ce cadre ont été sculptées des marguerites ou des fleurs à huit pétales et d'autres végétaux aux traits plus irréguliers et maladroits en partie haute.

La porte aux trois voussures s'inscrit dans ce cadre de forme carrée Deux colonnes reposent sur des chapiteaux très courants dans le décor des églises d'Angleterre ou de Normandie.


 Les voussures sont décorées de stries pour la première en partant de l'intérieur, d'une série de têtes d'oiseaux ou d'animaux pour la deuxième (les fameux beakheads)  et d'un beau décor de grecque pour la troisième.


A chacun des angles du cadre et entre l'arrondi de l'archivolte supérieure, ont été sculptées en creux des étoiles dans un cercle de perles. Cette disposition tout à fait originale a fait dire a certains auteurs que ce décor aurait été inspirée par L'Espagne ce qui ne repose sur aucune source valide.

Plus controversée est l'origine de ce portail que les premiers auteurs ont rattachée à l'abbaye voisine dont il aurait été détaché après sa ruine au XVIe siècle.
Mais sa forme et sa disposition étonnent encore et sont la cause de controverses. Certains auteurs considèrent en effet qu'il ressemble davantage à un portail de la Renaissance anglaise et estiment ainsi que les pierres romanes parfaitement authentiques auraient été remontée autour d'un portail d'origine, lui-même déplacée de l'ancienne abbaye Sainte-Marie. Ainsi la forme carrée qui encadre le portail serait une recomposition voir même une réinvention du XVIe ou du XVII avec des pierres sculptées au XIIe le rendant plus conforme au gout de l'époque.

La thèse est séduisante car elle permet d'expliquer le caractère unique de la disposition de ce portail mais il semble que d'autres dispositions similaires existaient dès l'époque romane en France et en Angleterre.

L'énigme demeure car une fois de plus en l'absence de sources fiables il faut se garder des conjectures.

Pour le reste ce portail compte parmi les plus beaux de la région; on peut souligner sa proximité avec d'autres sites remarquables comme ceux de Malmesbury, Iffley ou encore Landaff dans le Pays de Galles.

Je signale encore m’être grandement inspiré de l'excellent site Corpus de la sculpture romane en Grande-Bretagne et en Irlande que je vous incite à découvrir pour plus de détails.


Traduction Google.


In the small town of Kenilworth in Warwckshire, the church dedicated to St. Nicholas retains a beautiful red sandstone portal in the West Bell Tower. This is obviously the only remaining Romanesque element of the church unless it has been restored.
Indeed Kenilworth also has a beautiful castle partly Romanesque and the remains of an abbey dedicated to St. Mary. For lack of time I could not visit these two monuments devoting only my visit to the parish church.
The portal offers a rather original arrangement with its three voussures framed by a large molding shaped twisted coil. Inside this frame were carved daisies or flowers with eight petals and other plants with more irregular and awkward features in the upper part.
The three-arched door is part of this square-shaped frame Two columns rest on capitals very common in the decor of the churches of England or Normandy.
 The arches are decorated with streaks for the first from the inside, a series of bird heads or animals for the second (the famous beakheads) and a beautiful Greek decor for the third.
At each of the corners of the frame and between the rounding of the upper archivolt, were carved hollow stars in a circle of pearls. This quite original arrangement has made some writers say that this decoration was inspired by Spain, which is not based on any valid source.
More controversial is the origin of this portal that the first authors attached to the nearby abbey which he would have been detached after its ruin in the sixteenth century.
But its form and disposition are still astonishing and cause controversy. Some authors consider that it looks more like a portal of the English Renaissance and thus believe that the perfectly authentic Romanesque stones would have been raised around a portal of origin, itself moved from the old Sainte-Marie abbey . Thus the square shape that frames the portal would be a recomposition or even a reinvention of the sixteenth or seventeenth century with carved stones in the twelfth, making it more in keeping with the taste of the time.
The thesis is attractive because it allows to explain the uniqueness of the layout of this portal but it seems that other similar provisions existed from the Romanesque era in France and England.
The enigma remains because once again in the absence of reliable sources we must be careful about conjectures.
For the rest, this portal is among the most beautiful in the region; its proximity to other notable sites such as Malmesbury, Iffley or Landaff in Wales can be emphasized.
I still report being greatly inspired by the excellent Corpus site of Romanesque sculpture in Great Britain and Ireland that I encourage you to discover for more details.

vendredi 23 août 2019

La force des traditions nordiques. St Mary the Virgin à Stoneleigh.

Cette modeste église du Warwickshire n'aurait peut-être pas justifié un déplacement si elle ne s'était trouvé entre deux jalons importants de mon périple.

Cependant même les plus modestes églises ont mon intérêt. Mon seul regret est d'avoir trouvé porte close ce qui est rare en Angleterre car elle possède aussi un magnifique arc triomphal dans le chœur ( si certains de mes lecteurs possèdent des images, je leur en saurais gré).

L'église est essentiellement du XIIe siècle mais a été considérablement remaniée de telle sorte qu'il ne reste visible aujourd'hui que la base du clocher et le mur nord, elle présente un bel appareillage de grès rouge.


La partie la plus intéressante (hormis l'arc du chœur) est le beau portail muré mais malheureusement gravement altéré.

C'est un portail avec tympan. Les trois voussures séparées par un léger cordon torsadé, elles reposent sur des chapiteaux qui reproduisent un décor végétal très caractéristique du décor normand..


Le tympan difficilement lisible figure deux dragons aux cous entrelacés se mordant la queue. La sculpture est relativement malhabile mais le thème est d'un grand intérêt et se rattache à une iconographie très populaire en Grande-Bretagne, d'où le titre de ce billet.

On distingue sur la partie gauche de l'image ce qui pourrait être des fleurs quadrilobes ou des croix.
Enfin au-dessus des dragons, un petit panneau représente des serpents imbriqué dans un mouvement qui rappelle le signe de l'infini.

Malgré les dégradations de ce portail son iconographie est particulièrement intéressante et toute interprétation est la bienvenue.



Google translate:

This modest church in Warwickshire might not have justified a trip if it had not been between two important milestones of my journey.
But even the most modest churches have my interest. My only regret is to have found closed door which is rare in England because it also has a magnificent triumphal arch in the choir (if some of my readers have images, I would appreciate it)
The church is mainly of the twelfth century but has been considerably reworked so that only the base of the bell tower and the north wall remains visible today, it has a beautiful apparatus of red sandstone
The most interesting part (except the arch of the choir) is the beautiful gate walled but unfortunately severely altered.
It is a portal with eardrum. The three voussures separated by a light twisted cord, they rest on capitals that reproduce a vegetal decoration very characteristic of Norman decoration ..
The tympanum is difficult to read and depicts two dragons with intertwined necks biting their tails. The sculpture is relatively unskillful but the theme is of great interest and is related to a very popular iconography in Britain, hence the title of this post.
On the left side of the image we can see what could be quadrilobe flowers or crosses.
Finally above the dragons, a small panel represents snakes nested in a movement that recalls the sign of the infinite.
Despite the deterioration of this portal his iconography is particularly interesting and any interpretation is welcome.

jeudi 22 août 2019

Surprise à Saint-Pierre de Cassington.



Ce petit village à quelques kilomètres d'Oxford n'était pas sur ma route mais la crevaison de ma voiture et son dépannage dès le premier jour m'obligèrent à cette halte forcée avant de rejoindre le premier garagiste pour récupérer un véhicule .

Malgré les déconvenues de la veille c'est avec surprise que je découvris sous les fenêtres de ma chambre une jolie église au milieu d'un beau cimetière qui me semblait parfaitement appartenir au XIIe siècle.

La nef, le clocher, les arches du chœur et une jolie collection de modillons confirmèrent vite cette première impression.

Après quelques recherches il apparaît que le lieu appartenait en 1086 à Odo, évêque de Bayeux et demi-frère du Roi Guillaume avant d’être cédée à d'autres seigneurs.
L'église fut fondée en 1122 par un certain Geoffrey de Clinton, chambellan du roi Henri Ier, d'abord chapelle de sa résidence elle fut consacrée en église en 1123.

Malgré sa simplicité c'est curieusement un bon exemple presque complet d'église romane du XIIe. Elle conserve en effet sa nef et son chœur ses portes sud et nord et une partie du clocher qui a été surélevé au XIVe.



On peut remarquer l'élégance des arches séparant la nef du chœur dans une grande simplicité selon un modèle que l'on retrouvera dans de nombreuses églises d'Angleterre. Il existe aussi deux belles portes sans décor mais avec des boiseries sans doute d'origine. Un vaste cuve baptismale sans aucune décoration mais sans doute contemporaine à l'église est  installée à l'entrée de la nef.



La maçonnerie est en moellons de calcaire avec de larges pierres de taille aux angles. On peut aussi remarquer uniquement en partie haute une maçonnerie disposée en chevrons selon le type "Opus spicatum" ce qui est plutôt surprenant car ce type d'ouvrage se retrouve habituellement dans des édifices bien plus anciens ou en réemploi en partie basse. Voilà donc un mystère; peut-être peut-on imaginer que les maçons se soient inspirés de cette disposition seulement à des fins décoratives... J'évoquerais cet aspect avec plus spécialiste que moi sur cette question.



Je n'ai remarqué aucun décor ni aux chapiteaux ou au tympan nu du portail sud.


Le seul décor est limité aux modillons de la nef et de manière très stylisée mais finalement assez riche et plutôt savoureuse.









Si cette église n'a rien de spectaculaire elle est séduisante par son unité presque préservée, et puis j'ai le souvenir de cette charmante personne qui me voyant approcher aux premières heures du matin , vint immédiatement pour me l'ouvrir chaleureusement comme j'aurais souvent l'occasion de le vivre dans ce pays qui m'est cher.


 Google translate

This small village a few miles from Oxford was not on my way but the puncture of my car and its repair from the first day forced me to this forced stop before joining the first garage to pick up a vehicle.
Despite the disappointments of the day before, it was with surprise that I discovered under the windows of my room a pretty church in the middle of a beautiful cemetery that seemed perfectly belong to the twelfth century.
The nave, the bell tower, the arches of the choir and a nice collection of modillions quickly confirmed this first impression.
After some research it appears that the place belonged in 1086 to Odo, bishop of Bayeux and half-brother of King William before being ceded to other lords.
The church was founded in 1122 by a certain Geoffrey de Clinton, chamberlain of King Henry I, first chapel of his residence and was consecrated as a church in 1123.
Despite its simplicity it is curiously a good example almost complete Romanesque church of the twelfth. It keeps its nave and choir with its south and north doors and part of the bell tower which was raised in the 14th.
One can notice the elegance of the arches separating the nave from the choir in a great simplicity according to a model that one will find in many churches of England. There are also two beautiful doors without decoration but with woodwork probably original.
The masonry is made of limestone rubble with large cut stones at the corners. We can also notice only in the upper part a masonry arranged in chevrons according to the type "Opus spicatum" which is rather surprising because this type of work is usually found in buildings much older or reused in the lower part. Here is a mystery; perhaps we can imagine that the masons were inspired by this provision only for decorative purposes ... I would evoke this aspect with more specialist than me on this question.
I did not notice any decor or the capitals or the bare tympanum of the south portal.
The only decoration is limited to modillions of the nave and in a very stylized way but finally quite rich and rather tasty.
If this church is not spectacular it is attractive by its unity almost preserved, and then I remember this charming person who saw me approaching in the early hours of the morning, came immediately to open it to me warmly as I would often have the opportunity to live in this country that is dear to me.

samedi 13 juillet 2019

Les trésors cachés de Newent.

Située dans la même province que  South Cerney, le Goucestershire, la petite église St Mary de Newent, garde deux pierres saxonnes du plus grand intérêt.

Tout d'abord une base de croix saxonne retrouvée à l'occasion de travaux de restauration au début du XXe siècle, et une tablette commémorative actuellement conservée au musée de Gloucester est dont une copie est conservée dans l'église.
N'ayant pas pu visiter le musée je livrerai donc une seule photo de cette copie très bien réalisée.

La base de la  croix se trouvait le dans l'entrée de l'église est tout à fait étonnante par son style et son iconographie, car sur le panneau central c'est bien Adam et Ève ainsi que le serpent autour de l'arbre de la connaissance qui y sont représentés. On ignore si la croix était plus grande à l'origine avec d'autres sculptures, mais la place prééminente de cette scène peut interroger.


Les deux personnages ont les yeux fortement creusés ce qui provoque une impression macabre, il est probable que dans le creux de la pierre était insérée une pierre d'une couleur différente pour rendre plus vivant le regard des personnages. On peut également distinguer le rendu des plantes du paradis terrestre certaines des feuilles sont d'ailleurs terminées par une petite croix verticale.

Les autres faces de la croix sont trop endommagées pour être lisibles à l'exception d'un coté figurant le combat de David contre Goliath.


Cette croix est d'un très grand intérêt puisqu'elle représente un exemplaire presque unique dans cette région de croix saxonne beaucoup plus fréquente dans le nord et l'est de l'Angleterre elle présente d'ailleurs beaucoup plus de similitudes avec les sculptures de cette région en particulier dans le Yorkshire et le Lincolnshire.
Ces deux scènes associées d'Adam et Ève et de David et Goliath, sont un bel exemple de la représentation de la lutte du bien contre le mal.

Il existe dans l'ancien royaume de Mercie de nombreuses représentations Adam et Ève en particulier dans les manuscrits et ce dès le VIIIe siècle il semble cependant que l'on puisse dater cette croix de la première moitié du IXe siècle.

Photo John Sheldon, merci a lui d'avoir accepté l'emprunt.


Abordons maintenant la découverte de la surprenante ta tablette qui  a été découverte en dégageant les fondations.

Cette pierre a été découverte à l'occasion de fouilles sous la sacristie avec deux squelettes.
Particularité étonnante , l'un des squelettes avait la tête qui reposait sur cette dalle.

 Elle représente sur l'une de ses faces, une scène de crucifixion et sur l'autre celle qui est figurée sur la photo, la figure centrale d'un grand personnage avec dans sa main gauche une longue croix il est plus malaisé de discerner ce qu'il tient de l'autre main . Autour de lui et à ses pieds différents personnages difficilement identifiables qui semblent dans une position de soumission ou de peur et dans des mouvements complexes.

La tablette est  peu épaisse avec des bords étroits où sont gravés les noms de Mathieu, Marc, Luc et Jean et le nom d'Edred, chaque nom est séparé par des petites croix et des lettres incisées portant les initiales -FE-.

Sur la face qui est ici illustrée, apparaît le nom EDRED.

Qui est ce personnage et s'agit-il de celui qui est représenté ? L'énigme demeure.
Certains auteurs qui ont effectué de nombreuses recherches sur cette tablette, s'accordent tous à penser que cette figure centrale pourrait être aussi celle du Christ hypothèse que confirme, au revers, la scène de crucifixion mais aussi la croix pectorale sur sa tunique et la croix de sa main gauche.

Dans l'angle inférieur droit il pourrait s'agir de Saint-Michel il se tient debout devant le Christ et semble brandir devant lui ce qui ressemble à une épée. La scène représentée serait ainsi celle du jugement dernier.

Le personnage d'Edred  se trouverait à l'angle supérieur droit avec une main proche de la croix de salut et sa tête près du Christ est clairement une forme de louange ou d'acte de grâce, il pourrait s'agir d'un prêtre. Tout cela reste néanmoins des hypothèses, on pourrait aussi imaginer qu'Edred soit le commanditaire et pourquoi pas l'auteur lui-même de cette oeuvre. Ce nom au consonances saxonnes évidentes nous livre, une fois de plus un émouvant message d'une des périodes les plus anciennes du Moyen Age.

La fonction de cette pierre reste indéterminée elle pourrait être une sorte de parure d'un livre de prières très comparable finalement aux livres en métal ou en ivoire réalisés à la même époque. Certains auteurs soulignent les  ressemblances entre la sculpture de cette pierre et le travail du métal repoussé ou de l'ivoire.Pour d'autres il pourrait aussi d'un autel portatif à l'usage du personnage nommé.
Il s'agit en tout cas d'une sculpture tout à fait étonnante et sans peu de comparaison possible dont la datation reste discutée entre le début du VIIIe siècle et le début du XIe siècle.

Ces deux sculptures par ailleurs témoignent également de la grande richesse des églises d'Angleterre mais aussi de leur discrétion, car hormis la grande série d'ouvrages que j'ai déjà cités: " Corpus of Anglo-Saxon stone sculpture" je n'ai trouvé que très peu d'images et quasiment aucune publication à leur sujet.

samedi 6 juillet 2019

Une ancienne croix saxonne à South Cerney dans le Gloucestershire.

On peut découvrir sous le porche sud de l'église All Hallows de South Cerney une partie très intéressante d'une ancienne croix saxonne.

Cette pièce a été disposée au-dessus du portail normand permettant l'accès à la nef de l'église et installé avec soin au milieu d'une arcature romane comme élément décoratif il s'agit donc clairement d'un réemploi effectué au XIIe siècle qui illustre l’intérêt des nouveaux bâtisseurs pour les sculptures des monuments antérieurs.

Un document datant de 999 apporte des informations sur l'histoire du village qui à l'origine appartenait un certain Ealdorman Aelfric Cild of  Mercia. Ce noble saxon avait été exilé après un conseil royal qui s'était tenu en 985 tenus par le roi Aethelred II.
Par la suite South Cerney fut attribué à l'évêque de Winchester qui allait devenir archevêque de Canterbury. La région en effet avait une importante situation stratégique à la frontière entre les deux royaumes saxons de Mercie et du Wessex.


Manifestement les parties qui restent de cette ancienne croix, représentaient une scène importante du triomphe du Christ sur la mort ou du jugement dernier.

On distingue dans la partie supérieure le Christ assis en majesté sur un trône décoré surtout ses côtés, le Christ porte un long manteau ouvert sur une tunique en forme de veste, il porte également un livre dans sa main gauche et il bénit de sa main droite. Ses longs cheveux reposent sur ses épaules, un halo crucifère entoure sa tête. Il est assis au centre d'une mandorle supportée deux personnages barbus .


La partie inférieure est plus inhabituelle et pourrait représenter la descente aux enfers, selon cet épisode se fondant sur la première épître de Pierre , dans les quelques jours qui ont suivi sa mort et avant sa résurrection, le Christ est descendu au royaume des morts annonçant ainsi sa résurrection.

Cette scène concorderait avec celle représentée à South Cerney , on y distingue assez bien le Christ portant une longue croix deux personnages sont agenouillés devant lui comme soulagés de sa venue libératrice de ce qu'en contrebas on peut voir comme un monde grouillant de créatures ou de flammes.

Pour l'auteur de la description de cette scène Richard Bryant, il fait peu de doute que cette culture soit d'origine saxonne en particulier par les similitudes qu'elle présente avec une autre scène similaire conservée dans la cathédrale de Bristol, bien que situé plus au sud cette ville est  proche de l'actuel Gloucestershire. L'auteur peut ainsi avancer une datation de la première moitié du XIe siècle. Mais l'on peut aussi remarquer de nombreuses similitudes avec des sculptures plus récentes du XIIe siècle en particulier au tympan d'Eastleach. Cette représentation du Christ a peut-être également comparé à  de nombreux manuscrits contemporains XIe siècle. Cette représentation du Christ triomphant des enfers était relativement populaire à cette époque.




jeudi 27 juin 2019

Les énigmatiques sculptures Billesley et Rous Lench

Les deux exemples qui vont suivre permettront de découvrir quatre églises sans véritable lien géographique entre elles qui possèdent encore des reliefs des églises saxonnes qui les ont précédés.

Dans ce premier billet je vous emmène à Billesley dans le Warwickshire et à Rous Lench dans le Worcestershire deux provinces relativement éloignées l'une de l'autre qui conservent toutes les deux des pierres sculptées d'un grand intérêt.

La petite église de Billesley situé non loin de la grande ville d'Oxford conserve un magnifique tympan d'époque romane qui fera l'objet d'un billet particulier mais égalemnt une sculpture plus ancienne .
Les sources sur l'origine d'une église antérieure à une construction romane également disparue sont rares et il faut pour ce faire se référer à l'excellent ouvrage de Richard Bryant consacré aux Western Midlands dans la grandes collection du "Corpus of Anglo-saxon stone sculpture".

Tout laisse à penser que la sculpture déposée aujourd'hui dans une petite chapelle de l'église à côté du tympan roman provient de la base d'une croix saxonne.
Celle-ci présente aujourd'hui trois faces sculptées, la quatrième est trop détériorée pour être lisible.
Sur l'une des faces sont sculptés des reliefs en forme de losanges qui rappellent l'opus reticulatum romain.

Sur une autre face sont présentes bien que difficilement lisibles un vaste mouvement de feuillages entrelacés ou peut-être un arbre de vie .

La troisième face est sans doute la plus intéressante puisqu'elle représente une figure humaine archaïque qui selon l'auteur pourrait être la représentation du Christ. Ses pupilles sont seulement soulignées, la bouche est en partie ouverte les cheveux et les oreilles courtes.
Derrière sa tête on peut encore distinguer la marque d'un halo crucifère. Le personnage tient dans sa main droite une croix et semble être suivi par un personnage dont on distingue le visage. La sculpture des jambes semble vouloir amorcer une sorte de mouvement au personnage.

La datation de cette pièce sculptée est plus incertaine car elle est totalement isolée. Cependant il semblerait qu'elle daterait du Xe siècle.
Elle pourrait représenter la résurrection du Christ face au dubitatif Saint-Thomas.
Cette pierre a manifestement fait l'objet d'un réemploi lors de la construction d'une église romane postérieure dont le tympan est le seul survivant, car elle a été manifestement retaillée pour être réemployée vraisemblablement dans un des piliers de l'arc triomphal de l'ancienne église.
Il y a cependant peu d'éléments de comparaison hormis peut-être les quelques reliefs sculptés de l'église Saint-Oswald conservait au musée de Gloucester.

Plus énigmatique encore est la pierre sculptée conservée dans l'église de Rous Lench. Cette pierre sculptée a été réemployée à l'intérieur de l'église mais malheureusement brisée et seule une de ses faces est décorée d'étranges sculptures.

Elle représente un personnage qui semble marcher au travers d'une forêt de feuillages entrelacés, on distingue à peine sa figure taillée de profil ainsi que le contour de ses pupilles. Le personnage porte une unique courte et brandie de sa main droite ce qui ressemble à une faucille.

Au-dessus de cette scène sont représentés deux oiseaux, des paons ou des coqs buvant dans une coupe. Cette représentation est d'ailleurs assez commune dans l'art antérieur au Xe siècle en particulier en Europe continentale.
On distingue également ce qui ressemble au corps d'un serpent.
La datation de cette pierre est difficile en l'absence de tout autre élément de comparaison à proximité mais elle pourrait remonter au Xe siècle ou à l'extrême début du XIe siècle.
Il est difficile d'interpréter avec certitude la scène représentée mais Richard Bryant fait état des étranges similitudes existant entre cette pierre sculptée et le tympan roman de l'église de Billesley.
Pour lui il pourrait s'agir d'une représentation d'Adam avant la chute.

Ce qui est plus extraordinaire est la volonté évidente de conserver et de réemployer ces deux pierres anciennes dans les églises romanes reconstruites à partir  du XIIe siècle.
Bien plus Richard Bryant évoque même que ces sculptures tout comme peut-être d'autres ensembles sculptés aujourd'hui disparus, aient pu influencer les sculpteurs du XIIe siècle en particulier ceux de "l'école du Herfordshire". Nous aurons l'occasion d'y revenir…

jeudi 30 mai 2019

Les sculptures saxonnes de Langford.


Je reviens ici sur le mot "saxon" que je reprends à plusieurs reprises pour qualifier ce qui, en France, est habituellement attribué au premier art roman, celui du XIe siècle, et qui en Angleterre est généralement utilisé pour qualifier ce qui est antérieur à la conquête normande de 1066. Mais comme on peut le voir ici à Langford l'art dit saxon continuera à "survivre" aux conquérants au moins jusqu'au troisième quart du XIe siècle en dépit d'un mouvement de grande ampleur de reconstruction des églises pas les Normands et ce de manière très systématique , du nord au sud du pays .

Langford conserve deux ensemble sculptés de grande ampleur apparenté aux représentations de crucifixion qui ont connu une grande faveur dans ce pays et la région de l'ouest de l'Angleterre compte pas moins de cinq édifices conservant des crucifixions, le plus proche par son style étant situé dans le Hampshire à Romsey. 

Ce qui est exceptionnel à Langford c'est que deux sculptures de ce groupe ont été conservée, toutes deux ayant peu de liens stylistiques entre elles ce qui laisse supposer qu'elles ont été réalisées par deux mains différentes et peut-être deux époques.

La première crucifixion est la plus impressionnante. De grande dimension, elle est presque à échelle humaine, elle a été déplacée de sa situation d'origine pour être installée à l’extérieur du porche sud qui date du XIIIe.

Faute de sources fiables, sa situation originelle est inconnue, mais les dimensions de cette sculpture laissent supposer qu'elle devait avoir une situation privilégiée dans l'ancienne église. Il est impossible de déterminer si elle était isolée ou appartenait à un groupe plus vaste.

Le grand Christ en croix a été décapitée mais on peut encore admirer l'habileté du sculpteur en particulier dans la représentation des plis de la longue tunique dont il est vêtu et du cordon à sa taille. Certains chercheurs pensent que la tête devait être surmontée du main de Dieu également détruite.



Cette sculpture fait également immédiatement penser par son style au grand Christ en bois que l'on trouve en Espagne ou encore au Volto Santo de Lucques en Italie sans qu'il soit impossible de donner d'autre conclusion de cette comparaison .

La deuxième crucifixion à elle aussi été déplacée et installée au dessus du porche, en dépit des altérations du temps on distingue encore parfaitement le Christ au Milieu de la Vierge et de saint-Jean.

Le style est différent de la première et l'on remarque la volonté du sculpteur d'initier un mouvement à ses sujets ce qui apparaît au mouvement des jambes et des bras du Christ mais aussi à la position de la tête des deux autres personnages , position qui semble inversée puisqu'ils ne regardent pas en direction du sujet central.

La sculpture a été réalisée sur trois dalles différentes et il semble que les personnages de Marie et de Jean aient été inversé lors de leur réutilisation. Là encore je n'ai trouvé aucune indication sur leur position d'origine.

On s'accorde à considérer que la première sculpture date du début du XIe et la seconde de la seconde moitié du XIe siècle.

Enfin il ne faut pas quitter ce beau lieu sans remarquer une curieuse sculpture d'un cadran solaire peut-être également déplacé et réemployé à la base du clocher.


Les sculptures sont peu lisibles mais on distingue encore bien les deux personnages qui brandissent au-dessus de leur tête un cadran en demi-lune. Ils semblent seulement vêtus d'une courte tunique et leur fonction symbolique est une énigme.
On remarquera aussi le mouvement des bras et des jambes des deux personnages. fort étonnamment les cadrans solaires sont, en proportion du faible nombre d'églises subsistantes de cette époque, assez nombreux et ce dans toutes les régions de l'Angleterre.