mercredi 3 janvier 2018

Le portail sculpté de Sainte-Jalle; ou le passage vers un monde nouveau .

Mélange à la fois de saveur populaire, d'une certaine rusticité et pourtant d'une belle maîtrise plastique, le portail de Sainte-Jalle n'est pas seulement un des plus original de la région, il est aussi riche d’enseignements symboliques.

Il présente une archivolte en plein cintre richement orné reposant sur deux colonnes à fut lisse coiffé de chapiteaux avec un décor antiquisant typique de la vallée du Rhône (oves, acanthes…). Les deux niches qui l'encadrent et semblent participer à son harmonie ne sont pourtant pas d'origine. Au dessus du portail une large fenêtre avec des chapiteaux à feuillage et peut être de colonnes avec des réemplois antiques.




Un haut linteau monolithe décoré d'un rinceaux avec cinq rosettes soulignées de nombreux trous de trépan qui porte un tympan historié avec un seul registre horizontal.








On n'y voit de droite à gauche, un joueur de viole peut-être un troubadour, penché sur son instrument tenant de l'autre main un archer et dont les chaussures pointues sont attachées sur le coup-de-pied.
Un autre personnage masculin voit de face courtement vêtu et chaussé comme le premier, porte sur son épaule une chouette et tient un panier posé à terre le bras gauche levé.
Un troisième personnage de face avec un sac pendu à l'épaule tient un bourdon de pèlerins ou une houlette de berger et de la main gauche une bourse ou un sac ou peut-être une trompe d'appel.



Tout à gauche un coq de grande dimension vu de profil avec une longue queue retombant à terre et une crête très fournie ainsi que des ergots proéminents devant lequel se trouve un petit arbre.

Le décor des chapiteaux aux extrémités du linteau présent une corbeille avec un décor végétal mais sur la partie supérieure un décor historié que l'on peut rapprocher de celui des églises d'Entrechaux ou de Vaison-la-Romaine.
À droite le tailloir du chapiteau est orné de personnages couchés à l'horizontale peut-être sont-ils morts, de face, un soldat, l'épée au côté et les mains jointes. Sur le côté une femme vêtue d'une robe longue recouverte d'une sorte de tablier don une main et porter à la tête comme si elle semblait prêter l'oreille.

À gauche au crochet d'angle, une énorme tête animale peut être un monstre cornu et un personnage et les aux grandes oreilles ouvertes.


Plusieurs interprétations ont tenté d'être trouvées à cette énigmatique tympan, l'homme du chapiteau pourrait être celui dont la vie renaît à la vie divine et dont l'âme s'élève vers le ciel.
L'interprétation de ses sculptures profanes être délicate. Plusieurs auteurs s'accordent pour penser que la partie droite du tympan symboliserait les plaisirs de la vie et les vices qu'ils entraînent. Le joueur de viol est habituellement considéré comme le symbole de la vanité des plaisirs, tandis que la chouette symbolise l'avarice et la paresse. La partie gauche du tympan représenterait les aspects du bien;  le pèlerin en marche ou le berger rappelle la pénitence ou le pasteur. Le coq lui et l'image de la renaissance du jour après la nuit, veilleur et protecteur des campagnes. Il convient aussi par homonymie de mettre en relation le coq « gallus » avec le culte de Sainte Galle « Galla ». Le coq est aussi une allusion au reniement de Pierre, est l'attribut de la pénitence de ce qui avait renié leur foi.
Dans un texte d'Ambroise de Milan de 380 il est indiqué « lorsque chante le coq, nous retrouvons l'espoir… la foi renaît dans les pêcheurs ».Ou encore du même auteur :"Le coq fait lever ceux qui gisent à terre, au matin de la rédemption humaine, retentit partout dans l'Église.". Mais peut-être s'agit-il aussi d'une interprétation d'une fable populaire locale.
Ce portail particulièrement singulier est à rapprocher d'autres décors historiés inspirés de l'antique et caractéristique de la vallée du Rhône. Ainsi le linteau peut être comparé à celui de Maguelone. On doit admettre que la sculpture de ce portail est particulièrement soignée et peut souffrir la comparaison avec l'église de Saint Gabriel vers Tarascon. Par son envergure, son histoire symbolique la richesse de ses décorations l'église de Sainte-Jalle occupe une place distincte dans cette région  alpine des Baronnies.

Il me semble qu'il est une parfaite illustration de ce moment de passage vers une année nouvelle, comme une porte vers un monde nouveau, une nouvelle vie; particulièrement adapté à l'auteur de ces petites lignes.

Mes sources:
- " Provence romane" tome 2 Guy Barruol éditons du Zodiaque.
- " La Drome romane" collectif éditions plein-cintre.
-" Le rébus du symbolisme roman" Gérald Gambier, éditions idc

4 commentaires:

  1. Vous êtes fidèle aux des descriptions de Barruol qui compare le décor historié à celui de Saint-Quenin de Vaison; toutefois, l'orthographe en est souvent différent en particulier pour le joueur de viol !

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    1. Merci cher Bruno petite coquille orthographique en effet, vous êtes toujours un lecteur attentif.

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