samedi 28 juillet 2018

La "Tarasque" de Noves entre incertitudes et légendes.

Les prochains billets de ce blog, seront consacrés à la découverte de quelques-uns seulement des monuments romans d'Avignon.
Avant de commencer cette visite j'ai voulu  consacrer quelques lignes à une étonnante sculpture improprement appelée Tarasque, et conservée au musée lapidaire d'Avignon.

Certes cette sculpture n'est pas romane habituellement considérée comme un rare exemple de sculpture gauloise du sud de la France.
Toutefois j'essaierai de démontrer que cette œuvre éblouissante conserve quelques liens avec la sculpture romane ; tentant ainsi de constater que l'art roman n'est pas seulement inspiré de sources orientales ou romaines.

C'est œuvre tout à fait exceptionnelle, trône dans la salle principale du musée d'Avignon et semble défier le visiteur.
Haute de prés de 120 cm elle impressionne à tout point de vue, elle devait également être peinte à l'origine car des traces de pigments ont été découvertes.


Cet animal fantastique est davantage un loup gigantesque dévorant et triomphant, et une sculpture d'une étonnante modernité. Tout impressionne  en effet, la position accroupie presque ramassé de l'animal dégage accentue sa  force et de puissance ainsi que  la sculpture nerveuse et profonde des membres des côtes, des dents et des griffes fortement soulignée.

 Les épaules sont trapues, la sculpture en écaille de la crinière souligne la férocité de la tête monstrueuse toute de dents dévorantes. L'animal dans une posture triomphale et presque provocante s'appuie avec résolution sur deux crânes décapités. Un phallus proéminent est également figuré sur le corps de la créature. On devine encore parfaitement un corps humain sortant de sa gueule ouverte dont seuls les membres supérieurs s'échappent.




Enfin elle semble enfoncer les griffes de ses pattes avant sur deux têtes sans expression ni de douleur ni de crainte.


La datation de cette culture est incertaine tantôt datée  entre le troisième et le premier siècle avant J.-C.
Faute de sources il est difficile d'en saisir toute la signification certains évoquant qu'elle serait reliée au rite de passage dans l'autre monde. La position accroupie marquerait la fin d'un monde tandis que le sexe proéminent en érection marquerait lui le renouveau. Elle serait également en relation avec le culte des ancêtres, les deux têtes coupées étant celle d'hommes mûrs qui ressemblent plus à des hommes sereins qu'à des victimes de quelques sacrifices humains que l'on prête habituellement aux Celtes.

                               Dans l'excellent ouvrage sur l'art gaulois paru aux éditions du zodiaque l'on évoque le chaudron de Gundestrup qui  montre aussi un loup dévorant dont la stylisation est apparentée à l'art des steppes.
Il est souligné ainsi une étrange parenté entre le monde celtique et celui de  l'orient. Il est également évoqué, l'existence de la tradition orale dans la culture celtique de la décapitation en particulier en Irlande, témoignage de la transition vers l'autre monde.

D'autres auteurs évoquent  l'existence de monstres dévorant chez les Étrusques ce qui ne serait guère étonnant s'agissant de la Provence tant les liens entre les Celtes de la région et les Étrusques étaient nombreux. Elle n'a que peu de liens finalement avec la Tarasque que Sainte Marthe aurait vaincu et qui est célébrée non loin, à Tarascon.

Gilles Langlois évoque également qu'il a été imaginé de placer un crâne entre les deux pattes de la bête face tournée vers l'avant qui s'y adapta parfaitement. Pour Jean Loicq les têtes auraient également pour modèles des masques funéraires d'argiles posés sur la tête des morts selon une coutume très ancienne qui sera reprise plus tard à Rome.

Ce loup mythique est donc en relation directe avec le divin, et il n'est pas surprenant de constater que l'art roman s'inspirera de ce mythe tout en convenant ici qu'il est peu vraisemblable que le sculpteur roman ait connu cette sculpture. J'ai voulu cependant ébloui par la force singulière de cette œuvre lui laisser une place particulière dans ce blog.


                                                                                                 

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