samedi 13 juillet 2019

Les trésors cachés de Newent.

Située dans la même province que  South Cerney, le Goucestershire, la petite église St Mary de Newent, garde deux pierres saxonnes du plus grand intérêt.

Tout d'abord une base de croix saxonne retrouvée à l'occasion de travaux de restauration au début du XXe siècle, et une tablette commémorative actuellement conservée au musée de Gloucester est dont une copie est conservée dans l'église.
N'ayant pas pu visiter le musée je livrerai donc une seule photo de cette copie très bien réalisée.

La base de la  croix se trouvait le dans l'entrée de l'église est tout à fait étonnante par son style et son iconographie, car sur le panneau central c'est bien Adam et Ève ainsi que le serpent autour de l'arbre de la connaissance qui y sont représentés. On ignore si la croix était plus grande à l'origine avec d'autres sculptures, mais la place prééminente de cette scène peut interroger.


Les deux personnages ont les yeux fortement creusés ce qui provoque une impression macabre, il est probable que dans le creux de la pierre était insérée une pierre d'une couleur différente pour rendre plus vivant le regard des personnages. On peut également distinguer le rendu des plantes du paradis terrestre certaines des feuilles sont d'ailleurs terminées par une petite croix verticale.

Les autres faces de la croix sont trop endommagées pour être lisibles à l'exception d'un coté figurant le combat de David contre Goliath.


Cette croix est d'un très grand intérêt puisqu'elle représente un exemplaire presque unique dans cette région de croix saxonne beaucoup plus fréquente dans le nord et l'est de l'Angleterre elle présente d'ailleurs beaucoup plus de similitudes avec les sculptures de cette région en particulier dans le Yorkshire et le Lincolnshire.
Ces deux scènes associées d'Adam et Ève et de David et Goliath, sont un bel exemple de la représentation de la lutte du bien contre le mal.

Il existe dans l'ancien royaume de Mercie de nombreuses représentations Adam et Ève en particulier dans les manuscrits et ce dès le VIIIe siècle il semble cependant que l'on puisse dater cette croix de la première moitié du IXe siècle.

Photo John Sheldon, merci a lui d'avoir accepté l'emprunt.


Abordons maintenant la découverte de la surprenante ta tablette qui  a été découverte en dégageant les fondations.

Cette pierre a été découverte à l'occasion de fouilles sous la sacristie avec deux squelettes.
Particularité étonnante , l'un des squelettes avait la tête qui reposait sur cette dalle.

 Elle représente sur l'une de ses faces, une scène de crucifixion et sur l'autre celle qui est figurée sur la photo, la figure centrale d'un grand personnage avec dans sa main gauche une longue croix il est plus malaisé de discerner ce qu'il tient de l'autre main . Autour de lui et à ses pieds différents personnages difficilement identifiables qui semblent dans une position de soumission ou de peur et dans des mouvements complexes.

La tablette est  peu épaisse avec des bords étroits où sont gravés les noms de Mathieu, Marc, Luc et Jean et le nom d'Edred, chaque nom est séparé par des petites croix et des lettres incisées portant les initiales -FE-.

Sur la face qui est ici illustrée, apparaît le nom EDRED.

Qui est ce personnage et s'agit-il de celui qui est représenté ? L'énigme demeure.
Certains auteurs qui ont effectué de nombreuses recherches sur cette tablette, s'accordent tous à penser que cette figure centrale pourrait être aussi celle du Christ hypothèse que confirme, au revers, la scène de crucifixion mais aussi la croix pectorale sur sa tunique et la croix de sa main gauche.

Dans l'angle inférieur droit il pourrait s'agir de Saint-Michel il se tient debout devant le Christ et semble brandir devant lui ce qui ressemble à une épée. La scène représentée serait ainsi celle du jugement dernier.

Le personnage d'Edred  se trouverait à l'angle supérieur droit avec une main proche de la croix de salut et sa tête près du Christ est clairement une forme de louange ou d'acte de grâce, il pourrait s'agir d'un prêtre. Tout cela reste néanmoins des hypothèses, on pourrait aussi imaginer qu'Edred soit le commanditaire et pourquoi pas l'auteur lui-même de cette oeuvre. Ce nom au consonances saxonnes évidentes nous livre, une fois de plus un émouvant message d'une des périodes les plus anciennes du Moyen Age.

La fonction de cette pierre reste indéterminée elle pourrait être une sorte de parure d'un livre de prières très comparable finalement aux livres en métal ou en ivoire réalisés à la même époque. Certains auteurs soulignent les  ressemblances entre la sculpture de cette pierre et le travail du métal repoussé ou de l'ivoire.Pour d'autres il pourrait aussi d'un autel portatif à l'usage du personnage nommé.
Il s'agit en tout cas d'une sculpture tout à fait étonnante et sans peu de comparaison possible dont la datation reste discutée entre le début du VIIIe siècle et le début du XIe siècle.

Ces deux sculptures par ailleurs témoignent également de la grande richesse des églises d'Angleterre mais aussi de leur discrétion, car hormis la grande série d'ouvrages que j'ai déjà cités: " Corpus of Anglo-Saxon stone sculpture" je n'ai trouvé que très peu d'images et quasiment aucune publication à leur sujet.

samedi 6 juillet 2019

Une ancienne croix saxonne à South Cerney dans le Gloucestershire.

On peut découvrir sous le porche sud de l'église All Hallows de South Cerney une partie très intéressante d'une ancienne croix saxonne.

Cette pièce a été disposée au-dessus du portail normand permettant l'accès à la nef de l'église et installé avec soin au milieu d'une arcature romane comme élément décoratif il s'agit donc clairement d'un réemploi effectué au XIIe siècle qui illustre l’intérêt des nouveaux bâtisseurs pour les sculptures des monuments antérieurs.

Un document datant de 999 apporte des informations sur l'histoire du village qui à l'origine appartenait un certain Ealdorman Aelfric Cild of  Mercia. Ce noble saxon avait été exilé après un conseil royal qui s'était tenu en 985 tenus par le roi Aethelred II.
Par la suite South Cerney fut attribué à l'évêque de Winchester qui allait devenir archevêque de Canterbury. La région en effet avait une importante situation stratégique à la frontière entre les deux royaumes saxons de Mercie et du Wessex.


Manifestement les parties qui restent de cette ancienne croix, représentaient une scène importante du triomphe du Christ sur la mort ou du jugement dernier.

On distingue dans la partie supérieure le Christ assis en majesté sur un trône décoré surtout ses côtés, le Christ porte un long manteau ouvert sur une tunique en forme de veste, il porte également un livre dans sa main gauche et il bénit de sa main droite. Ses longs cheveux reposent sur ses épaules, un halo crucifère entoure sa tête. Il est assis au centre d'une mandorle supportée deux personnages barbus .


La partie inférieure est plus inhabituelle et pourrait représenter la descente aux enfers, selon cet épisode se fondant sur la première épître de Pierre , dans les quelques jours qui ont suivi sa mort et avant sa résurrection, le Christ est descendu au royaume des morts annonçant ainsi sa résurrection.

Cette scène concorderait avec celle représentée à South Cerney , on y distingue assez bien le Christ portant une longue croix deux personnages sont agenouillés devant lui comme soulagés de sa venue libératrice de ce qu'en contrebas on peut voir comme un monde grouillant de créatures ou de flammes.

Pour l'auteur de la description de cette scène Richard Bryant, il fait peu de doute que cette culture soit d'origine saxonne en particulier par les similitudes qu'elle présente avec une autre scène similaire conservée dans la cathédrale de Bristol, bien que situé plus au sud cette ville est  proche de l'actuel Gloucestershire. L'auteur peut ainsi avancer une datation de la première moitié du XIe siècle. Mais l'on peut aussi remarquer de nombreuses similitudes avec des sculptures plus récentes du XIIe siècle en particulier au tympan d'Eastleach. Cette représentation du Christ a peut-être également comparé à  de nombreux manuscrits contemporains XIe siècle. Cette représentation du Christ triomphant des enfers était relativement populaire à cette époque.