Les " beakheads"; mot britannique, que l'on pourrait traduire par motifs en becs d'oiseaux me fascinent et je ne pouvais manquer cette visite de l'église de Iffley tant ici ce motif y atteint une sorte de paroxysme entêtant .
Mais avant d'en effleurer la description, il convient de s'attarder à l'examen de la façade de cette église qui est unique par son ornementation fort recherchée ce que souligne Lucien Musset dans l'ouvrage consacré à l'Angleterre romane aux éditions du Zodiaque.
La composition est organisée en trois niveaux.
le premier comporte le porche principal encadré de deux "faux" porches latéraux comme si la nef avait des collatéraux, selon un modèle fréquent en Saintonge qui à l'époque appartenait aussi aux Plantagenêts.
Au niveau intermédiaire rectangulaire et encadré par des colonnettes, un gros oculus refait en 1858 qui a remplacé une baie gothique du XVe mais qui reprend le modèle de l'oculus d'origine dont des gravures atteste l'existence.
Le troisième niveau est séparé par une corniche et comporte trois baies en plein-cintre entourées de motifs en dents-de-scie et de têtes d'oiseaux au registre supérieur.
Au pignon, s'ouvre une petite baie aveugle avec une frise ornée de motifs géométriques et de croix inscrites dans des cercles.
L'ensemble est d'une parfaite harmonie et rarement les motifs géométriques atteignent une telle exubérance.
Cela est aussi sans doute le fait de la représentation presque insistante et répétitive du motif des beakheads.
Ce décor est particulier à l'art anglo-normand.
Ce motif est une invention de l'art roman et une forme de raffinement et de variation du décor géométrique des chevrons qu'ils accompagnent et accentuent. Ces dents-de-scie sont comme un refrain décoratif, au point qu'elles se retrouvent sur quatre rangs jusqu'au sol, au premier niveau, très serrées avant d'être supplantées comme couronnées par les beakheads. Et à la dernière archivolte, des motifs figuratifs enfin, que je vous présenterai plus loin.
Il y a encore beaucoup de controverses sur leur origine, mais ils pourraient avoir été inventés en Saintonge à la fin du XIe puis adoptés en Normandie et "exportés" en Angleterre et tellement appréciés qu'ils furent à nouveau adoptés plus tard par plusieurs sculpteurs Normands mais aussi en Espagne. Ce partage d'un modèle décoratif est riche d'enseignements sur la société médiévale faite de voyages, de routes et d'influences; de richesses artistiques, et finalement d'une certaine liberté culturelle que nous avons encore du mal à imaginer.
Et si on prend le temps de regarder de près, on sera surpris de voir qu'aucune tête ne se ressemble totalement, il y a toujours une petite variation du dessin comme une fantaisie de l'artiste.
Il y a tant à dire sur le sujet et j'aimerais avoir la science et le temps de d'approfondir ce sujet, qui sait…
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