Après une trop longue absence de ce blog cet article devrait être le premier d'une série consacré à mon dernier voyage avant 2020 au nord de l'Angleterre, région que je rêve à nouveau de visiter, tant elle réserve des surprises.
Quand je regarde en arrière, 2022 aura été finalement pour moi la pire de ces deux années qui ont suivi la crise dite Covid Sans même de lien avec la brulante actualité ukrainienne ou bien les soubresauts de notre vie politique ou sociale plongées dans les doutes et l'incertitude; je me demande souvent si nous pouvons rester imperméables aux évènements qui nous entourent.
Malgré le découragement qui me guette je me raccroche donc à ce viatique qu'est ma passion pour l'art et en particulier pour l'art roman, passion simple et apaisante comme celle de la contemplation de la nature et la lecture.
Hexham est une grande abbaye aujourd'hui essentiellement gothique mais qui conserve de nombreuses traces de son passé saxon et aussi romain, que je vous ferais découvrir dans un prochain article à la découverte de quelques églises romanes et saxonnes du Northumberland et de Cumbria.
Comme beaucoup d'édifices religieux et civils de cette région elle conserve aussi d'importants vestiges du passé romain et de la présence toute proche du Mur d'Hadrien que j'ai évoqué dans un précédent article.
Parmi ces vestiges, l'un d'eux occupe une place prééminente. Aujourd'hui installé dans l'un des collatéraux de l'abbaye, il a été trouvé en bonne place dans les fondations du transept sud. Sa situation dans la première église n'était certainement pas un hasard ou l'emploi banal d'une pierre déjà taillée et réutilisée comme simple élément de structure. Les chercheurs s'accordant sur le fait que sa position était également symbolique.
C'est une stèle funéraire, sur laquelle on lit:
DIS MANIBUS FLAVINUS EQ(ues) ALAE PETR(iane) SIGNIFER TUR(mae) CANDIDI AN(orum) XXV STIP(endiorum) VII H(ic) S(itus).
Et pour une traduction; "en souvenir du défunt, Flavius, cavalier du régiment de cavalerie Petriana, porte-étendard de la troupe
âgé de 25 ans après sept ans de service, il repose ici".
Les sculptures de cette stèle sont pratiquement intactes. On découvre parfaitement un cavalier romain cuirassé et casqué chevauchant un cheval au galop qui foule à ses pieds un ennemi. Le cavalier arbore sur son casque de hautes plumes, il porte un bouclier et un emblème militaire et à son cou un torque indiquant son rang. Si l'inscription désigne un soldat romain, le torque pourrait aussi signifier que cet homme était un aristocrate local au service de Rome sur l'une de ses frontières.
Le cavalier contraste volontairement avec la figure du barbare vaincu à ses pieds. En position de soumission il est totalement recroquevillé dans l'angle droit de la scène; Il porte une simple épée droite et un bouclier et il est totalement nu. Hirsute, il semble comme ébahi par l'assaut du cavalier. La civilisation romaine marque ainsi une fois de plus sa supériorité sur ses ennemis elle est tout autant politique que spirituelle.
Voilà pour le message officiel. On sait cependant que la réalité est plus complexe.
La présence de cette stèle est considérée encore comme un mystère. je m'avance peut-être à considérer que son réemploi dans cette église s'inscrit dans une forme de continuité du message temporel de Rome cette fois-ci à des fins également spirituelles.
Si Rome a triomphé par les armes, l'Eglise, elle, triomphe par la foi, et ce message a été maintes fois illustré par la sculpture romane.
la stèle du cavalier victorieux n'est pas un cas isolé de la sculpture antique, par exemple l'ivoire byzantin dit "Barberini" daté du VIe siècle, conservé au Louvre, en est une parfaite illustration. Le cavalier romain victorieux est l'empereur lui-même, l'iconographie du personnage à genoux sous le cheval à changé, ce n'est plus un ennemi vaincu mais une allégorie de Gaïa, la terre portant une corne d'abondance. Une petite victoire ailée accompagne le cavalier.
Cette présence symbolique de Gaïa, est le signe de l'universalité du triomphe impérial.
A l'époque romane le message est à nouveau repris et transformé, l'universalité du triomphe devient spirituelle comme l'illustre le thème du cavalier victorieux de l'arianisme ou du paganisme ou encore de la nouvelle loi(le Nouveau Testament) sur l'ancienne( l'Ancien Testament). Comme au portail nord de Saint-Hilaire de Melle.
Parfois l'on représente l'empereur Constantin à cheval triomphant de l'arianisme ou du paganisme comme au chapiteau de la cathédrale d'Autun, parfois c'est le Christ lui-même qui repousse à cheval un petit personnage confondu avec l'ennemi de la foi (voir le chapiteau de la cathédrale d'Autun).
Le message est plus direct encore, comme à la cathédrale d'Oloron-Sainte-Marie où le cavalier foule à ses pieds un maure. Le cavalier d'Oloron est en bonne place sur l'un des côtés du tympan de l'église dont il est un des gardiens.
Oloron est située sur l'un des chemins de Compostelle a proximité d'une frontière marquée longtemps par la montée en puissance de l'islam; l'homme terrassé par le cavalier porte d'ailleurs une tenue orientale tout comme deux autres ennemis vaincus et attachés par des chaines au trumeau de l'église.
Hexham est située sur une autre frontière au nord d'un territoire que l'église d'Angleterre a commencé laborieusement à évangéliser sur les peuples païens, Pictes et Saxons ou hommes du nord. La présence de cette stèle romaine en si bonne place dans une église chrétienne prend ainsi tout son sens.
Cet article ne prétend par résumer ce sujet passionnant du cavalier victorieux, il existe de nombreux travaux à ce sujet.
Pour approfondir cette lecture outre les ouvrages de Wirth, du Zodiaque et la collection britannique "Corpus of Anglo Saxon stone sculptures" qui ont inspiré ma réflexion. Je vous invite également à lire les articles de René Crozet et de Hubert le Roux dont je vous partage les liens.
https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1958_num_1_1_1031?fbclid=IwAR3o6YejXKyCPJ0O-aSBDKZScASTxPA10seTEHPLEeoMJhHku3eS6U6uBcY
Google translation.
After too long an absence from this blog, this article should be the first in a series devoted to my last trip before 2020 to the north of England, a region that I dream of visiting again, as it holds surprises.When I look back, 2022 will finally have been for me the worst of these two years which have followed the so-called Covid crisis Without even a link with the burning Ukrainian news or the upheavals of our political or social life plunged into doubts and 'uncertainty; I often wonder if we can remain impervious to the events that surround us.Despite the discouragement that awaits me, I therefore cling to this viaticum that is my passion for art and in particular for Romanesque art, a simple and soothing passion like that of contemplating nature and reading.Hexham is a large abbey today essentially Gothic but which retains many traces of its Saxon and also Roman past, which I will introduce you to in a future article on the discovery of some Romanesque and Saxon churches in Northumberland and Cumbria.Like many religious and civil buildings in this region, it also retains important vestiges of the Roman past and the nearby presence of Hadrian's Wall, which I mentioned in a previous article.Among these remains, one of them occupies a prominent place. Today installed in one of the collaterals of the abbey, it was found in good place in the foundations of the south transept. Its location in the first church was certainly not a coincidence or the banal use of a stone already cut and reused as a simple structural element. Scholars agree that his position was also symbolic.It is a funerary stele, on which we read:
DIS MANIBUS FLAVINUS EQ(ues) ALAE PETR(iane) SIGNIFER TUR(mae) CANDIDI AN(orum) XXV STIP(endiorum) VII H(ic) S(itus).
And for a translation; "in memory of the deceased, Flavius, cavalryman of the Petriana cavalry regiment, standard-bearer of the Candidus troop, aged 25 after seven years of service, he rests here"The sculptures of this stele are practically intact. We perfectly discover an armored and helmeted Roman horseman riding a galloping horse that tramples an enemy at his feet. The horseman wears tall feathers on his helmet, he wears a shield and a military emblem and on his neck a torque indicating his rank. If the inscription designates a Roman soldier, the torque could also mean that this man was a local aristocrat in the service of Rome on one of its borders.The horseman deliberately contrasts with the figure of the vanquished barbarian at his feet. In a position of submission, he is totally curled up in the right corner of the stage; He carries a simple straight sword and shield and is totally naked. Hirsute, it seems as if dumbfounded by the attack of the rider. Roman civilization thus once again marks its superiority over its enemies; it is as much political as it is spiritual.Here is the official message. However, we know that the reality is more complex.The presence of this stele is still considered a mystery. I am perhaps advancing to consider that its reuse in this church is part of a form of continuity of the temporal message of Rome this time for equally spiritual ends.If Rome triumphed by arms, the Church triumphs by faith, and this message has been repeatedly illustrated by Romanesque sculpture.the stele of the victorious horseman is not an isolated case of ancient sculpture, for example the Byzantine ivory called "Barberini" dating from the 6th century, preserved in the Louvre, is a perfect illustration of this. The victorious Roman horseman is the emperor himself, the iconography of the character kneeling under the horse has changed, it is no longer a defeated enemy but an allegory of Gaia, the earth carrying a cornucopia. A small winged victory accompanies the rider.This symbolic presence of Gaia is the sign of the universality of the imperial triumph.During the Romanesque period, the message was again taken up and transformed, the universality of the triumph became spiritual, as illustrated by the theme of the horseman victorious over Arianism or paganism or even the new law (the New Testament) on the old (the Old Testament).Sometimes the Emperor Constantine is represented on horseback triumphing over Arianism or paganism, as on the capital of the cathedral of Autun, sometimes it is Christ himself who pushes back on horseback a small character mistaken for the enemy. faith.The message is even more direct, as in the cathedral of Oloron-Sainte-Marie where the horseman tramples a Moor under his feet. The rider of Oloron is in good place on one side of the tympanum of the church of which he is one of the guardians.Oloron is located on one of the roads to Compostela near a border marked for a long time by the rise of Islam; the man struck down by the horseman is also wearing an oriental outfit just like two other defeated enemies and attached by chains to the trumeau of the church.Hexham is situated on another northern frontier of territory which the Church of England painstakingly began to evangelize to the pagan peoples, Picts and Saxons or Northmen. The presence of this Roman stele in such a good place in a Christian church thus takes on its full meaning.This article does not claim to summarize this fascinating subject of the victorious rider, there are many works on this subject.To deepen this reading in addition to the works of Wirth, the Zodiac and the British collection "Corpus of Anglo Saxon stone sculptures" which inspired my reflection. I also invite you to read the articles by René Crozet and Hubert le Roux, the links of which I share with you.
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