dimanche 12 octobre 2025

Enigmes et curiosités : les marques et autres signes gravés de l’église de Larnas.

 


La présence de marques et de signes sur les pierres à l’intérieur de la nef de Larnas bien visibles mais en partie recouvertes par un badigeon blanc de la nef est attestée par plusieurs auteurs ; en particulier les auteurs du volume sur le Vivarais roman aux éditions de Zodiaque et Claudiane Fabre-Martin, bien que très succinctement.

Les auteurs du site sur le « Patrimoine de l’Ardèche » évoquent surtout les marques lapidaires, il semblerait également qu’ils aient attiré l’attention de l’historien Yves Esquieu mais je n’ai pu retrouver son ouvrage.

Autant dire que les sources sont lacunaires, et pourtant plusieurs éléments méritent une attention particulière mais je serais prudent.

Bien sûr on remarque quelques marques de tâcherons, marques bien connues surtout dans le Sud-Est de la France et le long de la vallée du Rhône.

On remarque surtout trois noms, tous trois réunis à différentes hauteurs au pilier Nord-Ouest de la croisée du transept. Deux sont parfaitement identifiables ; STEFANUS et SIANA. Le troisième plus haut à côté d’une des pierres carolingiennes en réemploi que j’ai évoqué dans le précédent billet. On lit quatre lettres RGNA ou S car la dernière lettre est difficilement lisible. Le G est renversé et forme une sorte de O. Robert Saint-Jean, le traduit REGNERUS.



De ces trois noms STEFANUS est celui qui a la plus grande postérité, on retrouve en effet ce même nom gravé à l’arc triomphal de la chapelle saint Polycarpe de Bourg-Saint-Andéol qui est malheureusement presque impossible à visiter. Il faut aussi évoquer un STEFANUS gravé parmi de nombreuses autres marques à la cathédrale de Saint-Paul-Trois-6chateaux. Ce qui n’est peut-être pas un hasard, car ces lieux sont très proches bien que de part et d’autre du Rhône lequel était franchissable par un pont à cette époque.




Notons aussi que l’on retrouve le même G inversé à l’étage de la cathédrale de Viviers, étage, hélas également quasi inaccessible aux visites.

On peut imaginer que ce STEFANUS ait collaboré à ces trois projets et je vous rappelle mon précédent article évoquant les parentés entre la coupole de Larnas et celles de ces deux églises.

Il y a beaucoup d’écrits sur la signification des marques de tâcherons, sujet que je n’aborderais pas dans cet article car cela mérite une étude plus approfondie.

On peut assez facilement imaginer que ces trois noms sont ceux de trois maçons et pourquoi pas des principaux bâtisseurs de l’église de Larnas. A bien des égards on pourrait parler de signatures d’artistes, sujet qui m’est particulièrement cher. Emilie Mineo qui a consacré un important travail à ces signatures évoque les faibles nuances entre l’artiste et l’artisan ou ARTIFEX.

Il semble donc plausible d’imaginer un groupe d’artisans ou d’artistes mais en tout cas de bâtisseurs de talent ayant œuvré sur plusieurs chantiers proches et contemporains.

Cependant, ce qui est particulièrement rare et peut-être unique c’est l’association de trois noms d'artistes médiévaux dans une même église et presque au même endroit.



Il y aussi une autre particularité : la présence de marques très nombreuses sur presque toutes les pierres de taille, même celles situées en hauteur. Le plus souvent ce sont des stries et aussi beaucoup de lignes et pointes de flèches ou de zigzags. Parfois ce sont des lignes qui alternent avec des triangles ou encore des points ; On remarque aussi de véritables dessins en forme de soleil ou de losanges et aussi une croix formée de plusieurs points.



Ces marques n’ont jamais été étudiées à ma connaissance et leur signification est hasardeuse. Il est vrai qu’il faut utiliser une lumière rasante pour les révéler et un répertoire complet nécessiterait beaucoup de temps. Il est peu vraisemblable qu’elles soient postérieures à la construction de l’église, notamment parce les signature et marques de tâcherons ne chevauchent pas ces marques. J’exclus a priori la présence de graffitis que l’on retrouve dans d’autres églises. La présence aussi de ces marques à grande hauteur conforte l’idée d’un travail postérieur à la mise en place de ces pierres.








Enfin je signale la présence de signes similaires sur des pierres de la nef de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Il faut que je revienne dans cette belle église pour compléter ces observations.



Avec ce quatrième article je quitte Larnas avec plus de questions que de réponses mais aussi la certitude que je reviendrai. 


mercredi 8 octobre 2025

Le décor discret et raffiné de l’église de Larnas (troisième partie).

 


Ce n’est pas l’exubérance du décor qui frappe dans cette belle église pourtant il faut ouvrir l’œil pour le découvrir. Il se livre discrètement au cœur des beaux volumes de l’architecture. J’ai lu quelque part que la sculpture était « au service » de l’architecture ; il y a peut-être un peu de vrai.

On cherche des chapiteaux qui ressemblent plus à des impostes ; ces pierres saillantes qui supportent la retombée des arcs de la voûte. De simples pierres rectangulaires avec le plus souvent des décors géométriques mais finement ciselés et parfois seulement moulurés.












Au pilier sud-est de la croisée du transept on remarque cependant un curieux motif figurant ce ressemble à deux serpents.



Et à l’entrée de la nef un vague tête humaine trop dégradée pour être parfaitement identifiable.



Mais aussi on remarque la présence de trois pierres en réemploi certainement plus anciennes que l’église actuelle, vraisemblablement d’une église plus ancienne, ces réemplois pourraient être carolingiens.







De nombreuses églises de la région gardent encore le souvenir de ces anciennes fondations ce qui est assez unique et intriguant. Il y a comme une vénération à préserver le souvenir d’anciennes églises, comme on peut le remarquer dans d’autres églises des vallées pyrénéennes.  Il y a encore d’autres sujets de questionnement que vous découvrirez avec le quatrième article consacré à cette église qui garde toujours, fort heureusement, sa part de mystère.




jeudi 2 octobre 2025

La coupole de Larnas ; entre prouesse technique et beauté architecturale. (Saint-Pierre de Larnas deuxième partie).

 


 Quand on entre dans l’église de Larnas le regard est immédiatement attiré vers la croisée du transept. En effet celui-ci est très saillant par rapport à la nef donnant une impression d’étroitesse et il faut aller jusque vers le chœur pour voir l’abside.

C’est sûrement parce que cette partie de l’église est très sombre que l’on regarde vers le haut, la coupole octogonale dont l’élégance frappe immédiatement.



Une seule coupole sur trompe du voisinage présente les mêmes dispositions, celle de Bourg-Saint-Andéol. En effet entre chaque trompe on remarque une série de quatre colonnettes et de trois arcatures, donnant un effet de balustrade.

Comble du raffinement, certains des chapiteaux sont décorés d’animaux quasiment invisibles à l’œil nu.





Les trompes sont également décorées de coquilles finement gravées.

L’octogone de la coupole présente des proportions parfaites, est souligné par cordon mouluré qui accentue encore l’impression d’équilibre et d’harmonie qui témoigne du talent des bâtisseurs.



Qui sont précisément ceux-ci et quel modèle a pu les inspirés pour atteindre ce qui ressemble au modèle parfait de construction de cet ensemble ?

Nous avons évoqué dans le précèdent article l’influence qu’aurait pu avoir les constructeurs de Cruas sur ceux de Larnas. Il y a bien une coupole sur trompe à Cruas mais on le voit aisément avec cette image qu’elle n’atteint pas la qualité de celle de Larnas, et a l’exception des coquilles des trompes elle apparaît bien plus « grossière ».

Coupole de Cruas


Claudiane Fabre-Martin évoque l’influence du Puy, hypothèse plausible, cependant les coupoles de la cathédrale, d’une grande qualité architecturale, si elles on pu servir de modèle en particulier pour la présence de colonnettes et d’arcatures sous la voûte n sont assez éloignées du parti pris à Larnas.

Coupole de la cathédrale du Puy


La coupole de Veyrines également citée par l’auteure, et située plus au nord, garde aussi une belle coupole bien proportionnée avec des trompes décorées de coquilles comme à Larnas mais sans arcatures.



C’est peut- être aussi de l’autre côté du Rhône qu’il faut regarder, comme Saint-Paul-Trois-Châteaux ou encore l’émouvante chapelle Barbara d’Allan. Dans ces deux églises la coupole est un élément majeur du dispositif architectural. Les coupoles sont parfaitement exécutées comme à Larnas, la décoration y est discrète et raffinée comme pour la petite église ardéchoise.

Coupole de Saint-Paul-Trois-Chateaux

Coupole de la chapelle Barbara d'Allan




Quant à l’église de plus proche, celle de Bourg-Saint-Andéol, il reste une double interrogation ; a-t-elle été bâtie par les mêmes artistes ou à t’elle servi de modèle à celle de Larnas ou inversement ? Je n’ai pas trouvé dans mes sources écrites de réponse à cette interrogation. Ce qui est certain c’est que les deux ouvrages sont contemporains, la coupole de Bourg-Saint-Andéol présente la même qualité de prouesse technique que celle de Larnas sauf qu’elle culmine à plus de 40 mètres. Mais avec un petit défaut de symétrie visible seulement si on détaille les nervures de la coupole soulignée par un cordon maçonné légèrement torve.

Coupole de Bourg-Saint-Andéol


Vous verrez en lisant les autres articles que je consacrerais à ces deux églises qu’il y a cependant d’autres indices liant ces deux édifices mais aussi d’autres encore situés dans la vallée du Rhône.