mercredi 10 décembre 2025

Les pierres et la légende de saint Andéol.

 

 


Cet article clôturera ma série sur la ville de Bourg-Saint-Andéol, sans toutefois fermer définitivement la page car il reste encore à découvrir ce qui est heureux.

Aujourd’hui quatre pierres antiques et médiévales sont rassemblées dans l’absidiole sud, leur parenté de style n’est cependant qu’apparente comme nous le verrons. Elles sont toutes en relation avec le culte du saint évangélisateur du Vivarais.

Intéressons nous à cette histoire dont la composition est tardive soit du IXe siècle.

En l’an 208 un diacre est envoyé en Gaule par Polycarpe, évêque de Smyrne à la requête d’Irénée de Lyon. Il est accompagné de Bénigne, Andoche et Thyrse qui devaient évangéliser la Bourgogne. Andéol descendait, lui, le Rhône à destination de la Provence et arrivé au port de Bergoiata sa réputation ne cessait de grandir. Septime Sévère, présent dans la région avec son armée fut irrité par le prédicateur chrétien et le fit arrêter pour le soumettre à de nombreux supplices et finalement exécuter en lui perçant le crâne en forme de croix avec une épée de bois.

Le corps jeté dans le Rhône, fut recueilli par une noble romaine récemment convertie, qui, pour protéger la dépouille, l’enseveli dans le sarcophage de l’un de ses enfants.

C’est ce sarcophage que « découvrit » sur les indications sans doute en songe de saint Polycarpe, l’évêque de Viviers, Bernouin au IXe siècle et le fit transporter dans l’église voisine qu’il édifia alors.

Après cette translation, les miracles se multiplièrent, contribuant à la renommée de l’église mais aussi à sa prospérité.

A la fin du XIe siècle l’évêque Leger ; soucieux de réactiver le culte du saint reconstruisit l’église romane sur l’église carolingienne de Bernouin ; c’est cette église que nous admirons aujourd’hui. Il y installât également des chanoines de Saint-Ruf près d’Avignon, soucieux sans doute de développer à nouveau la réputation du lieu.

De nombreux historiens soulignent les incohérences et les contradictions de cette légende qui semble avoir été fabriquée de toute pièce au IXe siècle. Si rien n’interdit de croire à l’existence d’Andéol, aucune source ne la confirme.

Autour de cette légende il reste plusieurs éléments divers aujourd’hui rassemblés dans l’absidiole sud, ils n’ont pas toujours occupé cette place.

Par ordre d‘importance, on découvre d’abord une colonne antique couchée au sol. Le fut est strié en torsades. Il est identifié comme étant le saint Pilon, auquel le saint aurait été attaché pendant son martyr. Cette colonne avait été un temps placée à l’entrée de l’église.



Au fond de l’absidiole et couchée sur le côté une grande dalle antique gravée d’entrelacs est la pierre tombale de l’évêque Aurélien. Cette pierre est sans aucun doute une pierre romaine gravée à l’époque préromane. Elle est ornée en sa partie supérieure d’un arc surbaissé décoré d’un entrelac. L’inscription et la forme du décor permette de dater celle-ci de la fin du VIIIe siècle ou du début du IXe, bien que les traces de cet évêque Aurélien soient perdues.







Logée contre le pilier sud de l’absidiole on découvre une grande dalle en calcaire entourée d’un bel entrelac en forme de tresse à trois brins.



Je ne reprends pas le texte ni la traduction de cette épitaphe que l’on peut dater de la fin du IXe ou du début du Xe après la mort de l’évêque en 873.




Ces deux pierres sont donc contemporaines à la première église.

Enfin venons au sarcophage de saint Andéol qui sans aucun doute l’œuvre majeure de Bourg-Saint-Andeol. 



A l'origine il était situé sous le maître-autel du chœur, comme en témoigne cette ancienne carte postale, il est désormais parfaitement visible.



 C’est un beau sarcophage en marbre d’époque romaine qui servit de sépulture à une enfant TIBERIUS JULIUS VALERIANNUS. Trois de ses faces sont d'origine. Deux génies ailés entourent l’épitaphe du défunt les deux autres extrémités sont ornées d'une guirlande de fruits.






Seule une face a été décorée à l’époque chrétienne selon un style qui rappelle l’époque carolingienne. Cependant de nombreuses recherches ont permis d’établir qu’il n’en était rien ; la sculpture de cette partie du sarcophage serait bien une œuvre romane réalisée dans un style plus ancien, vraisemblablement au XIIe siècle pour animer à nouveau le culte et la ferveur autour de cette sépulture.






Cette œuvre est donc une sorte de pastiche inspiré de l’art paléochrétien et de l’art carolingien avec une part de cet art des frises avec des couples d’animaux affronts. Quel était l’objectif de cette recomposition ? Une tentative associer cette œuvre avec la découverte des reliques par Bernouin ou une « mise en scène » destinée à renouer avec une ferveur religieuse dont on peut penser qu’elle s’était atténuée avec le temps ?

Il n’est pas sans intérêt de livrer la traduction du texte de l’épitaphe, vous trouverez en liens après ce billet le texte latin complet dans les notes bibliographiques.



« Vous qui placez votre espérance dans la vie éternelle, regardez ce sarcophage orné sur ses quatre faces. Il est digne d’annoncer aux quatre parties du monde les grandeurs du Christ, et d’apprendre aux justes à vaincre dans les combats de la foi. Tu es un exemple, ô Andéol, bienheureux martyr ! L’enceinte de ce petit tombeau renferme ton corps, mais ton âme jouit avec les saints, au-dessus des astres, de la félicité. Que ceux que les cruels fléaux châtient, viennent à toi. Il n’est aucun de ceux qui implorent ta protection qui ne s’en retourne consolé »

Un soin particulier a été apporté à la composition de ce beau et émouvant texte, encadré par une frise d’entrelacs et d’animaux et par les deux saints Bénigne et Polycarpe dont le sculpteur semble s’être attaché a donné une apparence volontairement naïve pour accentuer sans doute l’archaïsme de la sculpture et la rattacher aux origines de la découverte des reliques.




Il y a bien sûr, beaucoup encore à découvrir et pour approfondir ce sujet je vous donne quelques liens.

 

-          « Vivarais Gévaudan Romans », éditions du Zodiaque.

-          « Les églises romanes oubliées du Vivarais » Claudiane Fabre-Martin, éditions des Presses du Languedoc.

-          « Saint Andéol et son culte ». Abbé Onésime Mirabel, éditions Culture et Foi.

-          « Corpus des inscriptions de la France Médiévale » Ardèche, Robert Favreau.

-          Et toujours l’excellent site sur le patrimoine de l’Ardèche.

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